Où
est passé le temps ? *
"Le
temps lui-même est une forme",
Roland Barthes
*
Titre d'un collectif sous la direction de Jean Birnbaum auquel a
participé Raphaël Enthoven (folioessais)
Le
Temps retrouvé de
"l'art vivant" pour
des Théâtres en présence
:
"La
vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par
conséquent pleinement vécue, c'est la littérature*"
*
"littérature" au sens proustien d'"art
vivant" de "décryptage des signes", de
lecture "à rebours", de "marche en sens
contraire" pour un "retour aux profondeurs où ce
qui a existé réellement gît inconnu de nous" cf. Marcel
Proust, Le Temps retrouvé (dans ce sens "littérature"
inclut tous les art, dont la peinture, le théâtre et le cinéma,
bien sûr).
"les
vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la
causerie mais de l'obscurité et du silence"
Marcel
Proust, Le
Temps retrouvé
Entreprendre
l'écriture d'un roman collectif interactif générationnel et
intergénérationnel pour apprendre à retrouver le "temps
perdu"
de lire et d'écrire en devenant les romanciers d'une "dé-livrance"
de
l'espace fictionnel de nos lectures d'histoires mises en scène par
d'autres grâce à l'"étincelle
motrice et joyeuse"
d'une écriture créative qui nous rend à nous-même, à notre
imaginaire dans une temporalité choisie pour découvrir "le
vierge, le vivace et le bel aujourd'hui"
du
"temps
retrouvé"
grâce à la magie de l'invention de nos vies par l'écriture, avec
chaque jour une nouvelle page, suivant le devise "Nulla
dies sine linea"
("pas
un jour sans une ligne"),
parce que, selon le sociologue Jean Baudrillard "Les
événements ont dépassé la vitesse du sens" alors
que "La
vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par
conséquent pleinement vécue, c'est la littérature"
ainsi
que le personnage du narrateur, double du romancier dans le roman
autobiographique de Marcel Proust, l'explique dans le dernier volume
de A
La Recherche du temps perdu,
Le
Temps retrouvé :
"cette
vie qui ne peut pas s'"observer", dont les apparences qu'on
observe ont besoin d'être traduites et souvent lues à rebours et
péniblement déchiffrées".
"Ce
travail de l'artiste,
de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l'expérience,
sous des mots quelque chose de différent, c'est exactement le
travail inverse de celui que, à chaque minute, quand nous vivons
détourné de nous-même, l'amour-propre, la passion, l'intelligence,
et l'habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent
au-dessus de nos
impressions vraies,
pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts
pratiques que nous appelons faussement la vie. En somme,
cet art si compliqué est justement
le
seul art vivant.
Seul il exprime pour les autres et nous fait voir à nous-même notre
propre vie, cette
vie qui ne peut pas s'"observer", dont les apparences qu'on
observe ont besoin d'être traduites et souvent lues à rebours et
péniblement déchiffrées.
Ce travail qu'avaient fait notre amour-propre, notre passion, notre
esprit d'imitation, notre intelligence abstraite, nos habitudes,
c'est
ce travail que l'art défera,
c'est la
marche en sens contraire, le retour aux profondeurs où ce qui a
existé réellement gît inconnu de nous,
qu'il nous fera suivre."
Marcel
Proust,
Le Temps retrouvé
Palimpseste
en continuels "cercles/fictions"
et "chant(s) de signes"* en
correspondances et coïncidences comme une constellation de fractales
algorithmiques de suites à la fois logiques et magiques déployées
en arborescences étoilées
"comme
une série d'échos ou de reflets qui se répond(ront) et ne se
contrediront qu'en s'approfondissant"*
suivant une ligne mélodique qu'il appartiendra aux différents
comités éditoriaux d'orchestrer à partir de la recherche
collective d'une esthétique et d'une éthique générationelles et
de la mise en place à partir du 15 janvier d'un story-board,
le
roman expérimental de poètes en devenir sur le modèle de La
Recherche du temps perdu
qui serait, ainsi que l'explique Raphaël Enthoven à propos du roman
"cathédrale"
de Marcel Proust, à la fois "le
récit d'un apprentissage et le retour d'un artiste sur les étapes
qui l'ont conduit à la découverte de sa vocation",
devrait trouver sa forme, l'esthétique
générationnelle et intergénérationnelle d'"un
temps retrouvé"
pour la mise en scène par chacun de sa
propre histoire, suivant la voie ouverte par Marcel Proust dans La
Recherche du temps perdu, et celle
aujourd'hui des "nouveaux chemins de la
connaissance" de Raphaël Enthoven et
des "Théâtres en présence"
de Joël Pommerat, deux décrypteurs de signes contemporains qui
s'inscrivent dans la filiation du Temps
retrouvé.
*
Raphaël Enthoven, Echologie
du temps perdu et retrouvé (Le
Monde Hors-Série, "Une
vie, une oeuvre" ,
novembre 2013-janvier 2014).
"Est-ce
d'être à la fois le récit d'un apprentissage et le retour d'un
artiste sur les étapes qui l'ont conduit à la découverte de sa
vocation ?" Le fait est que, non seulement La Recherche se prête
à deux lectures (la première est tournée vers l'avenir, la seconde
est rétrospective), mais surtout (à l'image du dialogue sans mots
qui unit la masse multiforme d'un piano et la ligne directrice d'un
violon), le livre est construit comme une série d'échos ou de
reflets qui se répondent et ne se contredisent qu'en
s'approfondissant."
Raphaël Enthoven, Echologie du temps perdu et retrouvé, (Le Monde Hors-Série, "Une vie, une oeuvre" , novembre 2013-janvier 2014).
Raphaël Enthoven, Echologie du temps perdu et retrouvé, (Le Monde Hors-Série, "Une vie, une oeuvre" , novembre 2013-janvier 2014).
"J'ai
eu la chance de rencontrer un auteur qui s'appelle Marcel Proust
/.../ : c'est quelqu'un qui voue son existence à la question de
savoir s'il va pouvoir ou pas devenir écrivain, mais c'est en se
posant cette question, en agissant dans le sens de cette question
qu'il fait fonction artistique."
Joël
Pommerat, Entretien avec Christophe Triau, Bpi Pompidou
Joël
Pommerat écrit également dans ses Théâtres
en présence : "J'ai
écrit pour pouvoir penser"
; "il
fallait que je travaille avec des gens avec lesquels je puisse
m'entendre, qui ne me faisaient pas souffrir et que je ne faisais pas
souffrir. Avec lesquels je
partage le sens de la recherche"
; "J'avais
d'abord besoin de gens qui ne seraient pas pressés."
C'est
ce temps pour pouvoir penser par vous-mêmes et pratiquer "cet
art si compliqué (qui) est justement le seul art vivant"
de lecture "à rebours"
au sens de décryptage des signes selon Proust afin de trouver votre
propre "style" en vous essayant à l'écriture que
je souhaite à chacun d'entre vous pour une année qui
s'annonce, je l'espère.. re/ré-créative !
"Le
style, c'est l'homme même"
Laure-Diane Loquet
"j'aime la vie et c'est pourquoi j'aime tout ce qui a été imprégné par le temps, le temps qui est la forme la plus concrète de notre existence."
O O
Le « réalisme
magique » de Joël Pommerat A la recherche du temps
perdu
Le
Temps retrouvé d'un
Espace vide pour
des Théâtres en présence
"j'aime la vie et c'est pourquoi j'aime tout ce qui a été imprégné par le temps, le temps qui est la forme la plus concrète de notre existence."
Au
Monde,
Joël Pommerat,
La plus jeune
(p.
56)
"Un
monde où les hommes seront vraiment au centre de la vie sur terre.
Un monde qui finira par se débarrasser définitivement et
progressivement des objets matériels. Oui, progressivement, un monde
qui se défera de toute vie...matérielle. Oui, enfin un monde qui
fera de l'homme la seule valeur. Un
monde où l'homme aura enfin vraiment du temps. Enfin du temps à
lui. Un monde où l'homme pourra enfin profiter de la vie."
Au
Monde,
Joël Pommerat,
La plus jeune
(p.
68)
cf.
Cercles/Fictions
(pp.
36-37)
"Quand
je travaille je
cherche à replacer le spectateur dans un temps précis, concret.
Un
temps qui puisse rassembler spectateurs et acteurs dans un lieu
donné.
Un
temps capable de relier
fortement des êtres les uns aux autres,
par exemple : comme un groupe de personnes face à un danger commun.
Et
c'est cela que j'appelle "le rapport au réel" dans mon
travail : la recherche d'un rapport au temps réel, au temps présent,
à l'instant. D'où découle un rapport à l'espace réel qui est
l'espace commun de l'acteur et du spectateur. commun.
Je
cherche à rendre
l'intensité du temps qui passe,
seconde après seconde, comme
aux moments de notre vie les plus essentiels,
pendant une
expérience qui nous confronte à nous-mêmes, au
plus profond.
/.../
Nous
pouvons passer beaucoup de temps en répétition avec les comédiens
à rechercher le poids d'un gestes, le juste poids d'une parole
prononcée.
Ce
que j'appelle le
poids des choses,
c'est
la recherche du rapport le plus direct possible (intime
peut-être)
entre l'acteur et les mots du texte, les silences du texte,
les mouvements et les gestes.
Je
demande aux acteurs d'être concrets, ce qui ne veut pas dire être
explicatifs ou logiques, mais de créer un rapport avec les mots
qu'ils prononcent."
Joël
Pommerat, Théâtres
en présence (p.
28-29)
Coïncidence
entre le temps d'avant le paradis perdu (celui des "illuminations"
et du "vert paradis des amours enfantines" )
et le présent
du "vrai sang"
novarinien
d'une parole-action qui unit auteur, metteur en scène, comédiens et
spectateurs dans
"un cercle complet"*,
un temps originel d'avant le "mal-entendu" et la
séparation (le mythe de la chute originelle : la pomme de la
discorde ou du péché dans L'Iliade et la Genèse), la
méchanceté, la dévoration (symbole du Petit Chaperon rouge)
et les jeux pervers du pouvoir (l'aliénation, l'assujettissement de
l'homme par l'homme par le travail et le langage), un temps où il y
aurait encore de la place pour le jeu des idées et du rêve : "Mais
où sont passées les idées, nom de Dieu ?! Donnez-moi une idée qui
me fasse rêver, nom de Dieu, et vite !...", Joël
Pommerat.
Dans
ce sens, La
Réunification des deux Corées
comme Cendrillon
pourraient se lire de la même manière : une invitation à se
réapproprier le désir de l'intime, de la parole et du jeu pour
renouer avec les émotions premières en-deça du philtre de la
raison, du langage, de sa propre logique et de celle des autres,
afin aussi de devenir capable de penser par nous-mêmes, de nous
défier de "l'objectivité
de ce que l'on a soi-même élaboré",
de "l'oblique
discours intérieur",
une invitation au "temps
retrouvé" par
la remontée en boucle du temps "à
rebours",
que La Fée
de
Sandra dans la Cendrillon
de Joël Pommerat lui rend possible. en lui permettant d'entendre les
vraies paroles de sa mère afin de la délivrer du "malentendu",
("mal"
entendu)
et lui rendre le désir de vivre sa propre histoire au lieu de rester
figée dans le cercle vicieux d'un traumatisme d'enfance figuré par
la montre qu'elle porte au poignet avant sa délivrance de ce cercle
vicieux qui ouvre la voie à tous les abus (la marâtre de Sandra, le
Talzberg de Cécile Volanges dans Erwin
Motor, Dévotion de
Magali Mougel).
cf.
Fiches : La question du langage et des signes, Un
théâtre interactif et "un
cercle complet".
"J'ai
parfois été accusé de vouloir détruire la parole articulée /.../
Cela veut-il dire que nous vivons au temps des images ? Que nous
devons passer par une période de saturation par l'image pour que le
besoin de la parole émerge à nouveau ? C'est tout à fait possible.
Les auteurs d'aujourd'hui semblent incapables de
faire coïncider
idées et images
à travers les mots, avec la
force des élizabéthains."
Peter
Brook, L'Espace
vide (p.
71)
O O