Correspondances 2014 : L'autre, un sujet en question : de cercles-frictions en "Cercles/Fictions" pour une "échologie du temps perdu et retrouvé"




Où est passé le temps ? *

"Le temps lui-même est une forme", Roland Barthes

* Titre d'un collectif sous la direction de Jean Birnbaum auquel a participé Raphaël Enthoven (folioessais)

Le Temps retrouvé de "l'art vivant" pour des Théâtres en présence :

"La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature*"
 
* "littérature" au sens proustien d'"art vivant" de "décryptage des signes", de lecture "à rebours", de "marche en sens contraire" pour un "retour aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous" cf. Marcel Proust, Le Temps retrouvé (dans ce sens "littérature" inclut tous les art, dont la peinture, le théâtre et le cinéma, bien sûr).


 
"les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l'obscurité et du silence"

Marcel Proust, Le Temps retrouvé


Entreprendre l'écriture d'un roman collectif interactif générationnel et intergénérationnel pour apprendre à retrouver le "temps perdu" de lire et d'écrire en devenant les romanciers d'une "dé-livrance" de l'espace fictionnel de nos lectures d'histoires mises en scène par d'autres grâce à l'"étincelle motrice et joyeuse" d'une écriture créative qui nous rend à nous-même, à notre imaginaire dans une temporalité choisie pour découvrir "le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui" du "temps retrouvé" grâce à la magie de l'invention de nos vies par l'écriture, avec chaque jour une nouvelle page, suivant le devise "Nulla dies sine linea" ("pas un jour sans une ligne"), parce que, selon le sociologue Jean Baudrillard "Les événements ont dépassé la vitesse du sens" alors que "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature" ainsi que le personnage du narrateur, double du romancier dans le roman autobiographique de Marcel Proust, l'explique dans le dernier volume de A La Recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé : "cette vie qui ne peut pas s'"observer", dont les apparences qu'on observe ont besoin d'être traduites et souvent lues à rebours et péniblement déchiffrées".

"Ce travail de l'artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l'expérience, sous des mots quelque chose de différent, c'est exactement le travail inverse de celui que, à chaque minute, quand nous vivons détourné de nous-même, l'amour-propre, la passion, l'intelligence, et l'habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie. En somme, cet art si compliqué est justement le seul art vivant. Seul il exprime pour les autres et nous fait voir à nous-même notre propre vie, cette vie qui ne peut pas s'"observer", dont les apparences qu'on observe ont besoin d'être traduites et souvent lues à rebours et péniblement déchiffrées. Ce travail qu'avaient fait notre amour-propre, notre passion, notre esprit d'imitation, notre intelligence abstraite, nos habitudes, c'est ce travail que l'art défera, c'est la marche en sens contraire, le retour aux profondeurs où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous, qu'il nous fera suivre."
Marcel Proust, Le Temps retrouvé


Palimpseste en continuels "cercles/fictions" et "chant(s) de signes"* en correspondances et coïncidences comme une constellation de fractales algorithmiques de suites à la fois logiques et magiques déployées en arborescences étoilées "comme une série d'échos ou de reflets qui se répond(ront) et ne se contrediront qu'en s'approfondissant"* suivant une ligne mélodique qu'il appartiendra aux différents comités éditoriaux d'orchestrer à partir de la recherche collective d'une esthétique et d'une éthique générationelles et de la mise en place à partir du 15 janvier d'un story-board, le roman expérimental de poètes en devenir sur le modèle de La Recherche du temps perdu qui serait, ainsi que l'explique Raphaël Enthoven à propos du roman "cathédrale" de Marcel Proust, à la fois "le récit d'un apprentissage et le retour d'un artiste sur les étapes qui l'ont conduit à la découverte de sa vocation", devrait trouver sa forme, l'esthétique générationnelle et intergénérationnelle d'"un temps retrouvé" pour la mise en scène par chacun de sa propre histoire, suivant la voie ouverte par Marcel Proust dans La Recherche du temps perdu, et celle aujourd'hui des "nouveaux chemins de la connaissance" de Raphaël Enthoven et des "Théâtres en présence" de Joël Pommerat, deux décrypteurs de signes contemporains qui s'inscrivent dans la filiation du Temps retrouvé.

* Raphaël Enthoven, Echologie du temps perdu et retrouvé (Le Monde Hors-Série, "Une vie, une oeuvre" , novembre 2013-janvier 2014).

 "Est-ce d'être à la fois le récit d'un apprentissage et le retour d'un artiste sur les étapes qui l'ont conduit à la découverte de sa vocation ?" Le fait est que, non seulement La Recherche se prête à deux lectures (la première est tournée vers l'avenir, la seconde est rétrospective), mais surtout (à l'image du dialogue sans mots qui unit la masse multiforme d'un piano et la ligne directrice d'un violon), le livre est construit comme une série d'échos ou de reflets qui se répondent et ne se contredisent qu'en s'approfondissant." 
Raphaël Enthoven, Echologie du temps perdu et retrouvé, (Le Monde Hors-Série, "Une vie, une oeuvre" , novembre 2013-janvier 2014).

 "J'ai eu la chance de rencontrer un auteur qui s'appelle Marcel Proust /.../ : c'est quelqu'un qui voue son existence à la question de savoir s'il va pouvoir ou pas devenir écrivain, mais c'est en se posant cette question, en agissant dans le sens de cette question qu'il fait fonction artistique." 
 Joël Pommerat, Entretien avec Christophe Triau, Bpi Pompidou


Joël Pommerat écrit également dans ses Théâtres en présence : "J'ai écrit pour pouvoir penser" ; "il fallait que je travaille avec des gens avec lesquels je puisse m'entendre, qui ne me faisaient pas souffrir et que je ne faisais pas souffrir. Avec lesquels je partage le sens de la recherche" ; "J'avais d'abord besoin de gens qui ne seraient pas pressés."

C'est ce temps pour pouvoir penser par vous-mêmes et pratiquer "cet art si compliqué (qui) est justement le seul art vivant" de lecture "à rebours" au sens de décryptage des signes selon Proust afin de trouver votre propre "style" en vous essayant à l'écriture que je souhaite à chacun d'entre vous pour une année qui s'annonce, je l'espère.. re/ré-créative !

"Le style, c'est l'homme même"

Laure-Diane Loquet





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Le « réalisme magique » de Joël Pommerat A la recherche du temps perdu 



Le Temps retrouvé d'un Espace vide pour des Théâtres en présence




"j'aime la vie et c'est pourquoi j'aime tout ce qui a été imprégné par le temps, le temps qui est la forme la plus concrète de notre existence."
Au Monde, Joël Pommerat, La plus jeune (p. 56)

"Un monde où les hommes seront vraiment au centre de la vie sur terre. Un monde qui finira par se débarrasser définitivement et progressivement des objets matériels. Oui, progressivement, un monde qui se défera de toute vie...matérielle. Oui, enfin un monde qui fera de l'homme la seule valeur. Un monde où l'homme aura enfin vraiment du temps. Enfin du temps à lui. Un monde où l'homme pourra enfin profiter de la vie."
Au Monde, Joël Pommerat, La plus jeune (p. 68)
cf. Cercles/Fictions (pp. 36-37)

"Quand je travaille je cherche à replacer le spectateur dans un temps précis, concret.
Un temps qui puisse rassembler spectateurs et acteurs dans un lieu donné.
Un temps capable de relier fortement des êtres les uns aux autres, par exemple : comme un groupe de personnes face à un danger commun.
Et c'est cela que j'appelle "le rapport au réel" dans mon travail : la recherche d'un rapport au temps réel, au temps présent, à l'instant. D'où découle un rapport à l'espace réel qui est l'espace commun de l'acteur et du spectateur. commun.
Je cherche à rendre l'intensité du temps qui passe, seconde après seconde, comme aux moments de notre vie les plus essentiels, pendant une expérience qui nous confronte à nous-mêmes, au plus profond. /.../
Nous pouvons passer beaucoup de temps en répétition avec les comédiens à rechercher le poids d'un gestes, le juste poids d'une parole prononcée.
Ce que j'appelle le poids des choses, c'est la recherche du rapport le plus direct possible (intime peut-être) entre l'acteur et les mots du texte, les silences du texte, les mouvements et les gestes.
Je demande aux acteurs d'être concrets, ce qui ne veut pas dire être explicatifs ou logiques, mais de créer un rapport avec les mots qu'ils prononcent."
Joël Pommerat, Théâtres en présence (p. 28-29)

Coïncidence entre le temps d'avant le paradis perdu (celui des "illuminations" et du "vert paradis des amours enfantines" ) et le présent du "vrai sang" novarinien d'une parole-action qui unit auteur, metteur en scène, comédiens et spectateurs dans "un cercle complet"*, un temps originel d'avant le "mal-entendu" et la séparation (le mythe de la chute originelle : la pomme de la discorde ou du péché dans L'Iliade et la Genèse), la méchanceté, la dévoration (symbole du Petit Chaperon rouge) et les jeux pervers du pouvoir (l'aliénation, l'assujettissement de l'homme par l'homme par le travail et le langage), un temps où il y aurait encore de la place pour le jeu des idées et du rêve : "Mais où sont passées les idées, nom de Dieu ?! Donnez-moi une idée qui me fasse rêver, nom de Dieu, et vite !...", Joël Pommerat.

Dans ce sens, La Réunification des deux Corées comme Cendrillon pourraient se lire de la même manière : une invitation à se réapproprier le désir de l'intime, de la parole et du jeu pour renouer avec les émotions premières en-deça du philtre de la raison, du langage, de sa propre logique et de celle des autres, afin aussi de devenir capable de penser par nous-mêmes, de nous défier de "l'objectivité de ce que l'on a soi-même élaboré", de "l'oblique discours intérieur", une invitation au "temps retrouvé" par la remontée en boucle du temps "à rebours", que La Fée de Sandra dans la Cendrillon de Joël Pommerat lui rend possible. en lui permettant d'entendre les vraies paroles de sa mère afin de la délivrer du "malentendu", ("mal" entendu) et lui rendre le désir de vivre sa propre histoire au lieu de rester figée dans le cercle vicieux d'un traumatisme d'enfance figuré par la montre qu'elle porte au poignet avant sa délivrance de ce cercle vicieux qui ouvre la voie à tous les abus (la marâtre de Sandra, le Talzberg de Cécile Volanges dans Erwin Motor, Dévotion de Magali Mougel).
cf. Fiches : La question du langage et des signes, Un théâtre interactif et "un cercle complet".


"J'ai parfois été accusé de vouloir détruire la parole articulée /.../ Cela veut-il dire que nous vivons au temps des images ? Que nous devons passer par une période de saturation par l'image pour que le besoin de la parole émerge à nouveau ? C'est tout à fait possible. Les auteurs d'aujourd'hui semblent incapables de faire coïncider idées et images à travers les mots, avec la force des élizabéthains." Peter Brook, L'Espace vide (p. 71)



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